Si le capitalisme est d’abord injuste, aujourd’hui il devient carrément dangereux pour le plus grand nombre. La nouvelle donne économique attribue un pouvoir illimité aux capitalistes. Grâce à la mondialisation, ils imposent maintenant la règle du moins disant social à des démocraties étranglées par le chômage. Ils ont récupéré l’essentiel du pouvoir, ils tiennent la baguette, au moment précis où la raréfaction du travail exige un pouvoir politique indispensable et fort pour pouvoir assurer la survie de tous. La survie de la majorité est menacée par le développement parallèle du chômage et de la perte imposée des solidarités. Si je propose de virer le capitalisme, c’est d’abord par instinct de survie pour cette majorité. Quelles sont les autres alternatives possibles ? Etudions deux scénarios de préservation du capitalisme, le scénario mondialiste et le scénario douanier. Le premier est séduisant mais irréaliste, le second est difficile et insuffisant pour contrer le désastre en cours.
Scénario mondialiste. Accélérer la mondialisation du pouvoir politique, créer un gouvernement mondial avec une social-démocratie à la clé, le rêve. Pour faire contre-pouvoir avec le capitalisme. A observer l’ONU, l’OMC ou encore l’Union Européenne, cette option est dans un futur beaucoup trop lointain. On y viendra un jour, sans doute et je le souhaite vraiment, mais il faudra attendre longtemps, les catastrophes sociales se produiront avant, la démocratie disparaîtra avant, pour cause d’excès de chômeurs. Après cinquante ans de construction, l’Europe est encore un embryon politique et pas forcément viable. Si je souhaite que le mouvement s’accélère, je n’arrive plus à rêver à ce scénario-là.
Scénario douanier. Et si nous coupions les ailes internationales de l’économie ? Pour revenir à un système économique en phase avec le niveau politique, filtrer les frontières économiques avec une refonte et une renaissance du système douanier, essayer de redonner la primauté au politique en empêchant l’économique d’aller voir ailleurs. Ce scénario est sans doute difficile à mettre en œuvre mais il n’est pas impossible. Je tiens aussi développer cette idée, au nom du droit à une concurrence libre et réellement non faussée, au nom du libéralisme. Faux paradoxe, le néolibéralisme actuel est simplement un mauvais libéralisme. Je suis peut-être le seul à promouvoir les douanes au nom du libéralisme, c’est mon côté martien. Ce retour du douanier suffira-t-il à endiguer la mainmise du capitalisme sur l’économie ? Je ne le crois pas, la puissance de feu du capitalisme est considérable, les capitaux mondialisés si mobiles resteront-ils là où le néolibéralisme sera combattu ? Le scénario douanier est un scénario intéressant mais je crois qu’il aboutit lui aussi à une confrontation avec le capitalisme. En régime capitaliste, quand les capitalistes s’en vont, l’économie se casse la figure, c’est mathématique.
Résumons. Le scénario mondialiste est irréaliste car trop lent à émerger pour éviter les désastres sociaux, le scénario douanier est intéressant mais il est insuffisant. La véritable issue de secours, je n’en vois pas d’autres, c’est la sortie du capitalisme, à moins d’accepter la fin de la solidarité.