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L'irrésistible mécanisation du travail

La mécanisation du travail est une énorme révolution dont nous n’en avons pas encore pris la vrai mesure. Elle nous submerge, tsunami comme on dit maintenant, plus long et plus lent mais tellement plus fort et violent à l’échelle de l’Histoire. Le chômage en est la principale manifestation, à égalité avec l’augmentation des richesses et les menaces pour notre environnement. Mécanisation, informatisation, robotisation, il est temps de parler des vrais causes du chômage. Pas pour les détester mais pour les constater. Tous ceux qui promettent des recettes miracles pour supprimer le chômage sont démagogues ou à côté de leurs pompes, le chômage devient chronique et irréductible, à moins de revenir techniquement en arrière ou de supprimer une bonne partie de l’humanité de la planète. Un ange passe. Démarrée il y a environ trois siècles en Europe, cette révolution du travail est encore largement en cours, sa pente de croissance est sans doute la plus forte que nous ayons jamais connue. Les robots et l’informatique ont des perspectives de développement extraordinaires. Les progrès fulgurants à l’échelle de l’humanité de nombreux domaines, comme l’informatique, les télécommunications et le traitement de la matière, bouleversent en profondeur nos civilisations actuelles.

 

 

 

Si on le voulait vraiment, si le travail nous était réellement insupportable, c’est juste une hypothèse, nous pourrions envisager collectivement de réduire le temps de travail à pas grand chose. Nous pourrions nous concentrer sur une automatisation la plus complète possible de la machine économique, pour ensuite nous contenter de l’améliorer, la peaufiner, l’entretenir. Cette réalité-là n’est pas si lointaine, la science-fiction est en train de nous rattraper. Oui, les robots arrivent. On a tout pour réaliser des robots qui permettent de nous débarrasser d’un maximum du travail encore à faire pour faire tourner l’économie. Je parle de la France et de l’Europe, mais c’est aussi à la portée des autres. Problème ! Notre logiciel interne est en train de boguer, zéro travail est considéré comme zéro revenu, nous réduisons continuellement le travail humain, de moins en moins efficace en comparaison des machines. Mais alors, comment on va gagner de l’argent si on perd notre travail ? Bug, pour tous ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. A l’époque de Marx, on les appelait les prolétaires. La croissance nécessaire pour compenser la baisse tendancielle de l’offre de travail humain devra être trop forte pour être crédible, dans un monde déjà saturé de gaspillage des ressources naturelles et de pollutions nuisibles et dangereuses pour l’humanité.

 

 

 

Agriculture, nous avons besoin d’une seule personne quand il nous en fallait vingt. Comme la moitié de l’humanité commence à peine sa révolution agricole, le potentiel chômage dans ce domaine est encore gigantesque. Informatique, si vous étudiez la fabrication d’un ordinateur vous serez étonné par la rareté du travail humain. Le développement des logiciels va aussi finir par être affecté par la tendance à l’automatisation. L’informatique devient pourtant le pivot de beaucoup de choses, à la maison comme dans les entreprises, c’est l’ordinateur qui a vocation à piloter les machines et les robots. L’industrie en général ne cesse de s’automatiser, le domaine des services n’est pas épargné, le travail administratif est déjà bien informatisé, le commerce électronique se développe et l’automatisation des télécommunications est presque totale, par définition. Les potentialités de la mécanisation à vingt, trente ou cent ans sont encore très élevées.

 

 

 

Au niveau mondial, le chômage est en train de passer à la vitesse supérieure. La mécanisation agricole, qui a privé de travail à la campagne plus de 90 % de la population active dans les pays occidentaux, démarre seulement dans les deux pays les plus peuplés de la planète, la Chine et l’Inde. En Inde, la population des villes ne représente encore que 25 % de la population totale. Au travail, les machines ont tendance à remplacer les êtres humains. Mais il est encore possible de travailler pour les plus motivés et les mieux formés. D’énormes différences existent entre les nations mais la constante globale de changement est bien en place, les machines ont tendance à remplacer les êtres humains. Nous sommes tellement angoissés par le chômage que nous ne voulons pas accepter cette tendance irrésistible, cette réalité. Vous avez peur ? Vous préférez mettre votre tête dans le sac ou dans le sable et gémir sur l’incompétence des politiques ?

 

 

 

Peut-on s’en sortir par la croissance ? La croissance forte pour freiner et faire régresser le chômage ? Le pari est insensé, il est pourtant partagé par presque toute l’élite politique et intellectuelle actuelle. La croissance ne s’est jamais décrétée, elle a toujours été un état fragile et précaire, un peu comme le bonheur pour un être humain, même si des facteurs favorables et défavorables existent. La réalité est beaucoup plus cyclique et chaotique, de nombreux politiques affirment encore le contraire mais sont-ils toujours crédibles ?

 

 

 

Pour s’en sortir, il faut commencer par accepter le chômage, et aussi le « travailler moins ». Les speedés du travail nous emmènent droit dans le mur, ils comptent s’en sortir eux-mêmes en terminant capitalistes mais que comptent-ils faire des autres, ceux qui n’amassent pas leur petit butin de guerre ? Les speedés du travail sont des gens géniaux quand ils acceptent de partager. Cela va leur coûter cher ? Oui, et de plus en plus sans doute, mais moins qu’ils le croient, on va donner des chiffres. Ils doivent accepter de partager, par solidarité, par sens de la collectivité, par admiration pour la machine économique, par souci de la paix sociale et par plaisir. Faisons en sorte qu’ils soient les plus riches malgré tout, et les plus reconnus d’utilité sociale. Amoureux du travail, si vous voulez qu’on vous laisse libre et tranquille, acceptez la solidarité, toute la solidarité.

 

 

 

Mais j’anticipe, revenons à la technologie et à la mécanisation du travail. Celles-ci ne provoquent pas que du chômage. Elles ont aussi généré un développement considérable des richesses matérielles : avions, voitures, trains, nourriture riche et variée, électricité, soins et hygiène, équipements de la maison, jouets à profusion, informations, connaissances, loisirs et peut-être surtout temps libre. Les comparaisons historiques sont sans appel. Ces richesses sont encore très mal partagées mais richesses tout de même. Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Le développement des richesses continue donc son histoire, la Chine et l’Inde sont en train de décoller, les pays de l’ancien bloc communiste russe essayent aussi de rattraper leur retard, les Etats-Unis et l’Europe font de leur mieux pour continuer leur croissance, mais l’Europe peine sérieusement, on va voir pourquoi. L’Amérique latine se cherche mais progresse, seuls l’Afrique et le Moyen-Orient n’arrivent vraiment pas à développer leur économie et la machine à richesses, empêtrés dans des guerres postcoloniales, néocoloniales et tribales catastrophiques.

 

 

 

Cette richesse produite s’est aussi faite au dépend de notre environnement naturel. Il existe une exigence écologique nouvelle qui s’oppose à cette profusion de richesses. Les matières premières et les énergies fossiles sont limitées, pétrole en tête, l’effet de serre et le trou dans la couche d’ozone nous menacent, nous faisons face à des violences climatiques inhabituelles et enfin la poubellisation de la planète est une réalité. La plupart des experts tirent la sonnette d’alarme, nous devons trouver un modèle de croissance qui sache économiser les ressources naturelles pour les rendre durables. L’enjeu est énorme. Le comportement du gouvernement des Etats-Unis dans ce domaine est choquant. Pourquoi refusent-ils de signer l’accord minimal de Kyoto ? Il faut le dire, ce sont les pays les plus riches qui gaspillent et polluent le plus, directement ou directement, les Etats-Unis en tête.

 

 

 

Avec cette fantastique révolution en cours de la mécanisation du travail, nous héritons donc à la fois d’un pouvoir extraordinaire de création de richesses et de l’explosion tout aussi étonnante d’une pénurie structurelle de la demande de travail humain, le tout couronné par un vrai problème de développement durable. L’équation historique est posée.

 

 

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